CAHIER DE CRÉATION / CUADERNO DE CREACIÓN
1
Qu’espères-tu
de cette faible lumière au bout du tunnel elle ne te servira à rien même si tu as assuré leur avenir aux tilleuls de cette ville
les montagnes s’assoient devant les portes affalées sans parvenir à lancer un seul aboiement
les érables que tu as pris comme amis ne répondent plus à ton salut
le niveau de joie est à son plus bas
alors que les fossés laissés par tes pas te suivent regarde derrière toi une fois seulement retourne à ta chambre où les livres t’attendent le silence a enseveli toute la banlieue de ta vie
alors que tu vagabondes en compagnie de dimanche au Sud
1
¿Qué esperas tú
de esta débil luz al final del túnel?
no te servirá de nada aunque hayas velado
por su futuro a los tilos de esta ciudad
las montañas se sientan delante de las puertas repantigadas
incapaces de lanzar un solo aullido
los arces que has tomado como amigos
no te devuelven ya el saludo
el nivel de alegría está en lo más bajo
mientras que las zanjas dejadas por tus pasos te siguen
mira a tu espalda una vez solamente
regresa a tu cuarto donde los libros te esperan
el silencio ha sepultado todo el extrarradio de tu vida
mientras tú vagabundeas en compañía del domingo en el Sur
2
Avant que ce mot ne s’obscurcisse et ne tombe dans l’automne
avant que le froid ne mette les scellés aux arbres et aux fenêtres
pense à ta vie qui survit dans l’à-peu-près donne-lui une dernière chance
pour qu’elle traverse cette nuit et arrive indemne au lendemain
repêche ce que tu pourras des soleils de ton enfance même s’ils étaient borgnes
toi qui as élevé un pont entre toi et ces collines, emprunte-le ne serait-ce qu’une fois
ne dis pas que tu es timide devant l’olivier du poète dont tu parlais la langue sans accent
car bientôt tu seras privé de tout lieu
même de la légère ombre faite par sa main fatiguée tandis qu’elle s’éloignait à vélo
2
Antes de que esta palabra se desvanezca
y caiga en el otoño
antes de que el frío ponga los precintos
a árboles y ventanas
piensa en tu vida que sobrevive en el así asá
dale una última oportunidad
para que atraviese esta noche
y llegue indemne al día siguiente
repesca lo que puedas de los soles de tu infancia
aunque fueran tuertos
tú que has levantado un puente entre tú y esas colinas,
crúzalo aunque sea una sola vez
no digas que eres tímido delante del olivo del poeta
cuyo idioma hablabas sin acento
pues pronto te verás privado de todo predio
hasta de la ligera sombra que deja su mano fatigada
mientras ella se aleja en bicicleta
3
Lourds sont les souvenirs défunts
plus lourds qu’un adieu au milieu du printemps depuis des mois j’erre de lieu en lieu
sans parvenir au petit carré où ils puissent reposer à jamais j’erre pour une rose
J’aurais dû la laisser endormie dans les livres n’accorder ma confiance qu’aux pierres et aux cailloux que je pousse du pied pendant que je peine
sur le chemin cabossé où a-t-elle émigré
la lumière qui se prélassait dans les prairies et l’obscurité parmi les étoiles
à peine septembre est-il arrivé,
ton silence dans la plénitude de son dernier quartier, nul besoin d’ouvrir la fenêtre.
Le lit, la bibliothèque et les chaises, tout ce que je vois désormais,
est éclairé par le rayon nocturne
3
Cuánto pesan los recuerdos difuntos
pesan más que un adiós en plena primavera
desde hace meses vago errante de aquí para allá
sin encontrar la fosa donde dejarlos reposar para siempre
errando voy por una rosa
debería haberla dejado dormida dentro de un libro
no confiar sino en las piedras y guijarros
que disparo de un puntapié mientras peno
por las chepas del camino
adonde ella emigró
la luz que se relajaba en los prados
y la oscuridad entre las estrellas
apenas septiembre ha llegado,
tu silencio en la plenitud de su último cuartel,
no hay necesidad de abrir la ventana.
la cama, la biblioteca y las sillas,
todo lo que veo ahora,
está iluminado por el rayo nocturno
4
Ma vie suspendue à tes yeux
elle attend un oiseau un mot quelque chose
qui arrête cette lumière pâle se hâtant de devenir nuit abritée derrière tes lunettes
tu comptes mes défauts sur tes doigts
tu n’es venue que pour partir avec tes regards qui font bouger l’air et les chaises au café
toi qui entres dans le silence
en refermant derrière toi la porte à clef la lune t’est solidaire
les collines adoptent ton point de vue
et parce que tu n’as pas ouvert la fenêtre, la musique prend le deuil
c’était au début de l’automne fracas de tonnerre estival quelques gouttes de pluie aussitôt évaporées
ont mouillé nos rêves
4
Mi vida colgada de tus ojos
espera un pájaro una palabra algo
que detenga esta luz pálida avivándose en hacerse noche
refugiada detrás de tus gafas
tú cuentas mis defectos con los dedos
tú has venido solo para irte con tus miradas
que mueven el aire y las sillas en el café
tú que entras en el silencio
cerrando tras de ti la puerta con llave
la luna te es solidaria
las colinas adoptan tu punto de vista
y porque no has abierto la ventana,
la música se pone de luto
era a principios de otoño
estrépito de tormenta de verano
unas gotas de lluvia
enseguida evaporadas
han mojado nuestros sueños
5
Depuis des semaines
le matin ne se réveille plus
alors que je ploie sous ton silence, j’attends que les nuages se dissipent
une trouée de ciel bleu pourrait-elle un jour m’apercevoir ? et voilà qu’aujourd’hui les noirs nuages se dispersent …
ils se regroupent sans rien laisser entrevoir j’erre en cousant et décousant les ruelles avec les rues et celles-ci avec la grand-place
les feuilles jaunes m’accompagnent et dans mon sang les cloches de l’église sonnent les heures
depuis des semaines
je chemine vers ce que voit mon coeur
le puits est tari mais je ne cesse d’y descendre le seau qui remonte vide
5
Desde hace semanas
ya no se despierta la mañana
mientras yo me pliego a tu silencio,
espero a que las nubes se disipen
¿una brecha de cielo azul podría verme un día?
y mira hoy los nubarrones se dispersan…
se agrupan sin dejar entrever nada
errando voy de callejón en callejón
y de calle en calle a la plaza mayor
las hojas amarillentas me acompañan y en mi sangre
las campanas de la iglesia dan las horas
desde hace semanas
camino hacia lo que ve mi corazón
el pozo está seco pero yo no renuncio a bajar el balde
que sube vacío
6
Moi qui ai perdu la douceur et la grâce je marcherai tout le mois d’octobre sans atteindre ni porte ni seuil,
minuit avec qui je ne suis pas fâché a barré mon chemin devant l’aube et le peu de vie que j’ai respiré
commence à m’oppresser sous le soleil amer, la lune que j’échangeais avec toi
tandis que nous cheminions l’un vers l’autre a cessé d’être une eau douce
désormais la nuit s’épanche tout au long du jour
j’ai tant marché vers toi
que j’ai déjà dépensé le temps du retour, d’ici peu avec tout son poids l’amour sera une blessure séchée dans un livre
6
Yo que he perdido la delicadeza y la gracia
caminaré todo el mes de octubre
sin esperar ni puerta ni umbral,
la medianoche con la que no ando a la greña
ha cortado mi camino antes del alba
y la poca vida que he respirado
empieza a oprimirme bajo el sol amargo,
la luna que yo trocaba contigo
mientras caminábamos el uno hacia el otro
ha dejado de ser un agua dulce
ahora la noche se derrama
a lo largo de todo el día
he caminado tanto hacia ti
que ya he gastado el tiempo del retorno,
dentro de poco con todo su peso el amor
será una herida seca dentro de un libro
7
Les perles élevées dans ton silence sont les plus pures
mais je ne veux pas me noyer dans la houle glauque
entre mes mains, les souvenirs meurent l’un après l’autre
et les jours s’en vont sans que je puisse leur dire adieu
l’enfance ne m’accompagne plus quand je traverse les buissons désormais je ne me réveillerai que pour allumer
des bougies parmi des prières
à présent tous les sentiers sont recouverts de neige,
le deuil, dans la maison, se répand du seuil au grenier
7
No hay perlas más puras que las cultivadas en tu silencio
pero no quiero sumergirme en la ola glauca
entre mis manos, los recuerdos mueren uno tras otro
y los días se van sin que pueda despedirme
la infancia ya no va conmigo cuando cruzo los zarzales
desde ahora solo me despertaré para encender
velas entre oraciones
ahora, la nieve cubre todos los senderos
el luto, en la casa, se desparrama desde el umbral al granero
8
Ouvre-moi
ouvre-moi la porte
pour que le ciel reste ciel et la lumière lumière,
la lune nie mes regards
et sa petite étoile fait mine de ne pas me reconnaître. Accorde à la rose d’être rose, aux arbres d’être arbres,
et fais que je puisse dire bonjour au matin
et bonsoir au soir. Laisse-nous entrer les paysages et moi, parole et silence
ont tellement la nostalgie
de marcher main dans la main.
8
Ábreme
ábreme la puerta
para que el cielo siga siendo cielo
y la luz luz,
la luna reniega de mis miradas
y el lucero del alba finge
desconocerme.
Concédele a la rosa ser rosa,
a los árboles ser árboles,
y que yo pueda decir
buenos días a la mañana
y buenas noches a la noche.
Déjanos entrar
a los paisajes y a mí,
palabra y silencio
añoran tanto
caminar tomados de la mano.
9
C’était en octobre dernier, la lune accueillait nos regards, l’obscurité nous chouchoutait avec douceur,
ici dans la chambre j’ôtais tes cheveux de ma chemise
afin de les mettre dans des recueils
auprès des poèmes que j’aime,
j’ouvrais la fenêtre et parlais délicatement avec l’air solitaire dans les mêmes recoins, immobile,
les yeux fixés sur les pétales qui tombent l’un après l’autre et font ce fracas
qui fait trembler les murs le plafond et les souvenirs endormis
dans la cave derrière l’escalier
9
Fue en octubre pasado, la luna cobijaba nuestras miradas,
la oscuridad era toda dulces susurros
aquí en el cuarto yo retiraba tus cabellos de mi camisa
para incluirlos en antologías
junto a los poemas que prefiero,
abría la ventana y hablaba delicadamente con el aire
solitario en los mismos rincones, inmóvil,
mis ojos fijos en los pétalos que caen
uno tras otro con ese fragor
que hace temblar las paredes el techo
y los recuerdos dormidos
en la bodega detrás de la escalera
10
Depuis un mois deux semaines trois jours et demi vingt-quatre minutes et quatre secondes
je me dessèche sous ton silence bien placé pour voir les branches
qui quittent leurs arbres sur la grand-place, au-dessus de l’église
les prières brûlent et partent en fumée
les feuilles qui tournoient ne sont que des étoiles qui ont perdu leur terre ancestrale
et la lumière qui inonde les maisons et collines n’est autre que le masque porté le jour par la nuit et je suis toujours moi
je crois en tes mains
c’est un matin si semblable aux autres mes larmes tombent
seul mon visage les accueille
10
Desde hace un mes dos semanas tres días y medio
veinticuatro minutos y cuatro segundos
me amustio bajo tu silencio
bien situado para ver las ramas
que abandonan a sus árboles en la plaza mayor,
por encima de la iglesia
las oraciones arden y parten en humo
las hojas que revolotean no son sino estrellas
que han perdido su tierra ancestral
y la luz que inunda casas y colinas
no es sino la máscara que lleva de día la noche
y yo sigo siendo yo
creo en tus manos
esta es una mañana tan parecida a las demás
me echo a llorar
solo mi cara quiere esas lágrimas
11
J’ai failli vivre à Cournonterral j’ai failli devenir heureux
mes 45 années auraient défilé avec légèreté, si j’avais pris le bus 38
quand je serais passé devant le temple et la bibliothèque, les arbres et les pots suspendus aux balcons
m’auraient tutoyé jusqu’à la maison à Cournonterral
où j’ai confiance en l’air et au ciel, j’aurais tranquillement repris goût à la vie qui a les yeux de ma bien-aimée
nous aurions grimpé sur la colline et traversé le pont
elle aurait marché devant moi
et j’aurais suivi comblé mon destin de petites touffes sèches de thym nous auraient chatouillé les mollets tout au long de la promenade
j’ai failli vivre à Cournonterral j’ai failli devenir heureux
11
A punto estuve de vivir en Cournonterral
a punto estuve de ser feliz
mis 45 años habrían desfilado tan ligeros
de haberme subido al bus 38
al pasar por delante del templo y la biblioteca,
los árboles y los tiestos colgados de los balcones
me habrían tuteado hasta casa
en Cournonterral
donde tengo confianza en el aire y el cielo,
tranquilamente le habría retomado el gusto a la vida
que tiene los ojos de mi bien amada
habríamos subido la colina
y cruzado el puente
ella caminando delante de mí
y yo siguiéndola colmando mi destino
unos mechoncitos secos de tomillo
nos habrían cosquilleado los tobillos
durante todo el paseo
a punto estuve de vivir en Cournonterral
a punto estuve de ser feliz
El autor
Saleh Diab nació en Alepo, Siria, en 1967, vive en Francia desde el año 2000. Poeta, traductor, periodista literario, doctor en Letras y especialista en poesía árabe contemporánea, que ha dado a conocer en Francia a través del volumen Poésie syrienne contemporaine, Le Castor Astral, 2018. Es autor de dos ensayos sobre poesía escrita por mujeres. Sus últimas obras publicadas en Francia son J’ai visité ma vie (anthologie personnelle), Le Tailli Prés, 2013.
El poema Broderie, de Esquisses pour une île, publicado en 2024 por Éditions Tarabustes, aparece citado por los protagonistas de la película de Jonathan Millet La red fantasma (Les Fantômes), sobre refugiados de la dictadura siria, que se estrena en España a principios de 2025.
Traducido por María José Furió.
Fotografías: Saleh Diab.
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